Année : | 1936 |
Réalisé par : | Charlie Chaplin |
Durée : | 1h27 |
A partir de : | 7 ans |
Charlot travaille à la chaîne dans une grande usine. Sa tâche quotidienne consiste à resserrer des boulons. Très vite aliéné par ses conditions de travail et la cadence infernale qu’on lui impose, il sombre dans la folie. Il resserre tout ce qui lui passe sous la main et asperge les gens avec sa burette d’huile. Cet épisode le conduit tout droit à l’hôpital. Dès sa sortie, il est pris par erreur pour un syndicaliste communiste. Charlot se retrouve rapidement en prison, à laquelle il échappe grâce à un nouveau quiproquo. Il rencontre ensuite une jeune femme abandonnée avec qui il va essayer d’affronter les pièges de la ville…
Unique en son genre tant par sa forme que par son propos, ce grand film, classique et moderne à la fois, résonne aujourd’hui avec notre société encore bouleversée par le libéralisme. A quels temps modernes avons-nous réellement affaire avec cette comédie à la fois sociale, politique, économique, satyrique, mais également romantique ? Charlot se réveille dans un monde où la cadence des machines ordonne tout. Chaque jour, des milliers de travailleurs sortent du métro pour aller à l’usine. L'horloge géante, qui ouvre le film, règle au pas et à la seconde cette marée humaine. Elle représente aussi l'agent du pouvoir, car celui qui maîtrise le temps maîtrise tout, à l'image de ce patron qui surveille de très près la cadence de ses ouvriers, allant même jusqu'à vouloir profiter du temps du déjeuner pour maximiser leur productivité. Chaque séquence dans l'usine est une véritable pépite d'inventivité et de réflexion politique sur la société moderne capitaliste. De nombreuses scènes sont inoubliables, comme l'usine avaleuse d’hommes ou de la machine à manger, qui donne lieu à une incroyable scène de torture burlesque.
Le propre de Chaplin a toujours été de faire rire tout en nous permettant de nous situer dans le récit en tant que témoin compatissant et compréhensif. Nous comprenons la gamine qui vole des bananes, tel un fier pirate lorsqu'elle apparaît la première fois. En revanche nous ne comprenons pas comment une société riche peut tolérer et accepter la misère sociale ? Le film, derrière ses nombreux gags, nous invite à la réflexion. Est-ce que le travail suffit pour faire le bonheur et la prospérité de l'homme ? Quels sont ces temps modernes si le travailleur ne peut même plus assurer les besoins de sa famille ? Quelle est cette époque où hommes et femmes sont obligés de voler dans les grands magasins, alors que la richesse est partout mais pas pour tout le monde ?
Ce combat pour la dignité, où un homme ne veut plus se conduire comme un mouton pour survivre, au risque de se faire écraser et enfermer à plusieurs reprises, nous fait autant rire que réfléchir. L'utopie de l'amour est l'unique force vitale qui permet au clochard qu'est Charlot de toujours se relever. Cette force lui donne l'élan et l'allant de se battre pour sa gamine, forçant la masse des ouvriers, lui, être chétif, pour dénicher un ultime travail, malgré la crise, la police répressive, la faim et le froid. Composé tel un kaléidoscope de la vie ordinaire d'un pauvre des villes, Les Temps modernes dépasse son temps. Il est toujours d'actualité, avec cette volonté de restituer au dépossédé du pouvoir d'achat toute sa grandeur humaniste. Chaplin le dit bien, le bonheur ne réside pas dans l'avoir ni l'acquis, qui sont éphémères, même si posséder une maison et une voiture, avoir un travail et de l'argent est nécessaire et devrait être une réalité pour tout le monde, sans distinction de classe sociale. Mais en réalité, le malheur vient surtout de l'absence de solidarité, et du refus du partage des richesses. La seule chose unique et tangible, c'est l'amour, c'est être ensemble. Et finir avec ces deux silhouettes pleines d’espoir qui cheminent dans l'aube naissante, est - et demeure - l'une des plus belles fins de l'histoire du cinéma, sans cesse copiée, jamais égalée.
Cinéma jeune public et ciné-club. Films de qualité depuis 1926.